Consommation collaborative et co construction : la nouvelle vogue du collectif

Le hasard a voulu que j’assiste à trois jours d’intervalle à deux conférences sur les thèmes de la co construction et du collaboratif : la première était organisée par l’AMARC et avait pour titre « La co construction, clé de la satisfaction client » et la deuxième était hébergée par la Poste dans le cadre des Ateliers de la Performance Client et s’intitulait « Consommation collaborative : risques ou opportunités pour les marques« . A priori deux sujets bien distincts mais qui trouvent leur origine dans le changement de paradigme qui caractérise notre époque et qui se traduit pour Nathalie Damery, Présidente de l’OBSOCO, par « la démassification, une crise de confiance à l’égard des grandes entreprises et des marques – de ce qui est grand en général au profit de ce qui est petit -, une crise du pouvoir d’achat où il s’agit de consommer mieux mais pas de déconsommer, une crise écologique qui remet en cause le gaspillage et une crise du marketing liée aux promesses non tenues » . 

La synthèse est .

Yann Moulier-Boutang, économiste et essayiste français nous livre une autre lecture de ce changement de paradigme : pour lui « nous sommes entrés dans l’ère du capitalisme cognitif, et de l’économie de la contribution, une économie conviviale avec ancrage… Avec l’avènement de la mobilité (plus de lieu donné), la consommation est devenue moins passive, bien plus précise. Autrefois la consommation était ostentatoire : on se référait à quelque chose de préorganisé par avance (voitures, maison..) Aujourd’hui, on assiste la mise en scène de la singularité produite par l’usager qui propose aux autres de la commenter  (tags, photos, les choses que l’on consomme) La consommation devient dédiée c’est a dire qu’elle est organisée par chacun selon ses envie sans compter que tout est partageable : c’est le déclin du modèle BtoB ou BtoC au profit du CtoC où le producteur n’est plus que facilitateur. On n’achète plus tel produit pour une fonction donnée mais pour pouvoir être dans le réseau FACEBOOK ». Les valeurs –empathie, sympathie, altruisme, coopération, confiance, care – devenues plus immatérielles sont plus difficiles à codifier et requièrent des espaces spécifiques tels que les plateformes collaboratives gratuites, écosystèmes complexes amplifiés par le numérique. »

Pour Eric Falque, Président de Bearing Point France, une des réponses à ce changement de paradigme est le recours à l’intelligence collective. Il relève trois tendances qui introduisent un profond changement dans le rapport entre les clients et les entreprises : « des attentes paradoxales entre besoin de personnalisation et confidentialité, une accélération de tout ce qui est désintermédiation (Airbnb) et une dimension communautaire de la consommation » Ce n’est plus l’entreprise qui va dire ce qui est bon pour ses clients mais c’est elle qui va leur donner les moyens d’innover. C’est l’exemple du Crédit Agricole store : des applications PAR et POUR vous où le client pourra demain construire sa propre banque.

Le retour de la confiance – et au delà l’ouverture et la co création – est une autre réponse au changement de paradigme : il s’agit de confier à une communauté le soin de prendre en compte les besoins des clients. Conséquence : les temps de développement passent de deux ans en moyenne à deux mois. Pour Eric Falque, « la co création n’est pas uniquement de l’altruisme mais du pragmatisme, ça n’est pas seulement de l’innovation mais aussi de la conception, de la vente, du SAV… L’innovation collaborative n’est pas que le fait de petites entreprises mais aussi de grands groupes comme SNCF Transilien ou le Crédit Agricole. C’est illusoire de penser régenter les attentes des clients. Il existe aujourd’hui des techniques qui permettent de comprendre du point de vue du client le meilleur dispositif qui a une influence. » Ce que confirme Yann Moulier Boutang pour qui « nous sommes passés à l’idée de service global 2.0 où l’on assiste à une co construction de la confiance, à un temps de la construction longue et de la citoyenneté. Ce sont les « prosumer », « consommacteur » et le crowd design qui remodèlent l’économie de l’innovation où la mobilisation des acteurs bottom up est accélérée par les réseaux sociaux « .

Alors quelles sont les options qui s’offrent aux entreprises ? Selon Louis-David Benyayer de Without Model, les acteurs historiques ont le choix entre cinq types de stratégies pour surfer sur la vague collaborative :

  • utiliser la foule pour concevoir : faire et designer de nouveaux produits et innovations.La Philips Innovation Fellows Competition est un site de crowdsourcing qui regroupe 61000 designers et est capable de produire 110 propositions en 1 heure
  • mobiliser les clients dans la chaine de valeur : Walmart intègre les clients pour livrer les courses aux clients online. Auchan va faire une expérimentation à Nantes en rémunérant les clients 3euros /livraison
  • stratégie d’acquisition : Avis achète Zipcar 500MM$ (jamais rentable), la SNCF a acheté 123 voitures
  • stratégie partenariale  qu’on voit beaucoup prospérer (Quirky  – plateforme de 300 000 personnes qui décident des produits qu’ils veulent acheter et qui s’associent pour les développer avec General Electric) Auchan a fait le même deal avec Quirky dans le but de réaffirmer sa présence
  • stratégie de fourniture des services : identité numérique de la Poste

En l’absence de stratégie, les entreprises n’ont souvent pas d’autre choix que de défendre la rente et d’utiliser l’arme réglementaire : Airbnb a été déclaré illégal à New York.

En conclusion, les acteurs de la consommation collaborative, qu’ils soient collaborateurs, clients, partenaires, fournisseurs portent collectivement un imaginaire pionnier destiné à réenchanter la consommation, plein de promesses, non décroissant, malin. En un mot nous n’avons jamais eu autant de pouvoir pour réinventer notre écosystème et accompagner les organisations dans les formidables changements qui s’annoncent. Profitons-en !

Bonne semaine et couvrez-vous : l’automne est définitivement là !

Laurence

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