Le rôle des communautés pour redéfinir les destinations 3/8

Choisir l’approche expérientielle pour innover et concevoir de nouvelles offres est une chose,  s’appuyer sur la communauté pour déployer ces  expériences et prendre en charge les interstices à l’échelle de la destination avec le souci de maintenir un  équilibre entre ce qu’elle est prête à consentir dans la durée et ce que veulent les visiteurs en est une autre. Cela suppose de prendre de la hauteur et de considérer la destination comme un écosystème.

Le retour des touristes et de la fréquentation à des niveaux pré covid expose au grand jour les limites des stratégies quantitativistes où l’on utilise les termes de nuitées et dépenses/jour pour parler des visiteurs.  Dans ces politiques  portées par les institutions .  il n’y a rien qui prépare à la résilience et  qui forme à l’agilité : la croissance est supposée bonne pour la communauté qui en retour doit soutenir le tourisme  du moment qu’elle en tire un revenu. Une approche plus nuancée est nécessaire.

Depuis toujours, la communauté et le paysage sont des ressources gratuites qui contribuent à l’expérience du visiteur et à l' »offre touristique ». Mais la pandémie a permis de prendre conscience qu’un mauvais usage du territoire avait un coût que la population subissait  frontalement et remettait en cause le contrat tacite d’acceptation sans lequel il n’y pas d’accueil possible : saturation des espaces, dégradation des écosystèmes,  pression sur l’habitat, incivilites …. et qu’il fallait y mettre un terme.

Pour repartir sur des bases durables et acceptables pour tous, l’approche design s’impose par sa capacité à impliquer la communauté de manière inclusive et collaborative dans la  prise de conscience du problème et la redéfinition de la destination : c’est le meilleur moyen de favoriser l’acceptation pour un tourisme positif et vertueux,  respectueux des hommes et de leur environnement, une forme de tourisme qui profite à tous.

Le tourisme créateur de valeur économique et sociale

« Le secteur du tourisme, mal aimé et peu gouverné doit dorénavant être vu pour ce qu’il est : le cœur du lien social et un acteur majeur de l’économie. Le temps est à l’invention, à penser la France comme la destination mondiale de la culture, du patrimoine, de la convivialité, de la beauté et de la Nature. » Jean Viard l’An zéro du tourisme

Pour porter cette ambition, les stratégies classiques qui reposent sur des plans à 3, 5 ou même 10 ans et qui raisonnent en termes de fréquentation et de flux sont inopérantes. L’adaptation au changement et la mise en œuvre d’un tourisme créateur de lien social -davantage que de revenus additionnels- suppose de travailler différemment et s’appuyer sur l’ensemble des membres de la communauté pour  porter les valeurs de la destination au travers d’ actes, d’ attitudes authentiques et d’un état d’esprit collectif positif et joyeux.

On a tous envie d’être bien accueillis quand on voyage : or l’accueil de la communauté – l’amabilité, la conversation, la prévenance et l’attention qui sont les marqueurs de l’hospitalité – ne peuvent être indéfiniment considérés comme acquis, il faut  collectivement réfléchir et définir ce qui est bon pour tous pour permettre à la communauté de l’appréhender en conscience, ce que le design permet de faire.

Cette nouvelle approche du tourisme intègre les écosystèmes et leurs acteurs  dans la gouvernance des destinations, impose de la transversalité dans les interactions de manière à engager les communautés dans les décisions qui sont prises : c’est un changement de paradigme radical source d’impact à court terme et porteur de sens pour les habitants mais aussi pour les visiteurs qui se reconnaissent dans ces valeurs et sont plus à même d’interagir et de créer des liens.

En 2019, la Flandre a engagé un programme complet de redéfinition de sa destination autour de ses habitants.

« Parce que les stratégies classiques reposent essentiellement sur le lieu (marketing territorial) ,  les destinations sont récompensées par les élus pour l’accroissement du nombre de visiteurs.  Au début, nous ne voyions que les effets positifs du tourisme, de ce que nous faisions,  explique Elke Dens, directrice marketing de Visit Flanders, Mais nous avons fini par voir l’impact négatif de l’augmentation continue du nombre de touristes sur les personnes et les lieux. Lorsque vous vous rendez compte que vous ne créez plus de véritable valeur, vous savez que vous devez changer quelque chose. Nous cherchons désormais à créer de la valeur au-delà de la croissance économique. »

Institutions,  élus locaux, socio professionnels, et habitants, tous ensemble détiennent les clés pour exploiter le pouvoir positif du tourisme dans leurs lieux et le mettre en musique de telle sorte que le visiteur soit ému, enrichi, stimulé et enchanté par l’esprit unique d’un site ou d’une expérience.  Les expériences co conçues dans une logique ecosystémique doivent refléter l’ADN de la destination, permettre les échanges et la création de liens entre les visiteurs et les locaux,  mais aussi contribuer à atteindre l’objectif plus global de durabilité et de respect de la destination

Le design pour guider les communautés dans leur effort de transformation

D’un point de vue opérationnel, pour construire une destination alignée avec les valeurs de ses habitants on commence par partager une compréhension commune de la réalité vécue par les visiteurs et les acteurs de la destination : reposant sur des faits –et pas des suppositions- cette base de connaissance permet d’aligner tout le monde sur les mêmes constats  autour de ce qui va bien  et ce qui va moins bien et de représenter de manière objective les différentes relations, interactions et valeurs échangées à l’occasion d’une visite, d’un séjour, d’une expérience, d’un déplacement…. On va faire cartographier par le communauté elle-même la valeur produite par le tourisme, faire évaluer où cette valeur est accumulée et qui en bénéficie.

Cartographier l’écosystème du territoire offre un moyen holistique d’identifier les causes profondes d’un problème ainsi que les points d’appui permettant d’activer le changement Cela permet en outre de recenser les avantages et bénéfices non économiques que l’accueil de visiteurs peut apporter et de s’assurer que ces avantages sont clairement démontrés tout en valorisant la communauté qui s’empare elle même du sujet, sans l’apport d’experts extérieurs, ni de sachants.

Dans le projet Explore Cognac que nous avons conduit de 2018 à 2020 , nous avons passé 1 mois à collecter sur le terrain les preuves de l’identité du Cognac au travers d’observations , d’expériences,  d’interviews, de conversations, d’analyse documentaires… Ce travail de construction de la connaissance par le vécu a permis de partager entre les membres de l’équipe une compréhension sensible de la situation, sans biais d’interprétation ou de jugements  hérités du passé.

Une fois la cartographie posée,  le travail de construction peut commencer avec en premier la vision de la destination puis  chantier après chantier,  et en fonction des besoins et des urgences, les plateformes de marque et d’expérience, les parcours, les expériences, les marqueurs relationnels….

Comme dans tout processus design, le chemin est sinueux, les déceptions nombreuses et il faut parfois revenir en arrière pour mieux aborder une situation, comprendre une réalité.  Dans tous les projets  de  territoire,  le rôle des facilitateurs est essentiel pour garantir que la collaboration entre les participants est équilibrée, que personne n’est exclu et que les solutions/expériences/etc …co conçues le sont dans un souci d’inclusion et de respect de l’ensemble des points de vue. L’adhésion au projet se fait à ce prix.

Cet article est le troisième  d’une série consacrée à l’économie d’expérience dans le tourisme qui va animer votre été et changer votre regard sur la conception d’expériences bonnes pour les visiteurs, les collaborateurs, le territoire… et la planète !

1. L’expérientiel, la nouvelle frontière du tourisme https://blog.experience-client.com/lexperientiel-la-nouvelle-frontiere-du-tourisme/

2. Plus d’expériences et de sens, moins de prix : les nouveaux besoins des voyageurs https://blog.experience-client.com/plus-dexperiences-et-de-sens-moins-de-prix-les-nouveaux-besoins-des-voyageurs-2-8/

3. Expériences et ecosystèmes de valeurs : le rôle des communautés pour redéfinir les destinations

4. L’expérience voyageur pour aller au delà des labels et des systèmes de qualité

5. L’expérience collaborateur, l’autre secret pour engager et fidéliser ses équipes

en collaboration avec Brice Duthion

6. Scénariser et chorégraphier des expériences durables, désirables et mémorables

7. Les outils du design d’expérience touristique : blueprints, storyboards, playbooks, living labs, ecosystèmes d’acteurs…

8. Tour du monde des meilleures expériences et territoires expérientiels

Le tourisme ne prend pas de vacances : stay tuned !

Val Thorens, les Ménuires, le Finistère, la Normandie, l’Ile de la Réunion, l’appellation Cognac….chez X+M, nous avons accompagné des destinations de premier plan dans la création de plateformes et la conception d’expériences visiteurs qui font la différence. Vous voulez la liste des projets que nous avons conduits ? Contactez moi

Vous souhaitez organiser une conférence sur cette thématique, contactez moi aussi, nous concevrons ensemble celle qui vous convient le mieux

laurence@xplusm.fr

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