Le diable est dans le détail

Monsieur le Directeur de l’Opéra de Paris,

C’est en ma qualité de cliente d’abonnée que je m’adresse à vous, remarquez bien que j’ai dit abonnée, et non pas cliente, ce que je suis par ailleurs chez Orange ou Air France. Car si votre statut d’Établissement Public vous protège des aléas qu’ont à subir d’autres organisations – comme l’atteinte d’objectifs de rentabilité par exemple, je pense qu’il ne vous exonère pas de satisfaire vos clients spectateurs. Non pas que je sois insatisfaite, ne vous méprenez pas, mais disons qu’à l’heure où tout le monde place le client au centre de ses attentions et fait des efforts pour se maintenir dans la course, je ne vois aucune raison pour que votre établissement ne fasse pas de même. Et comme vous représentez mon premier poste de dépenses mensuelles – devant Monoprix et Orange – permettez que je vous exprime ce qui me tient à coeur.

La première des choses que j’ai à vous dire est que je suis très attachée à l’Opéra de Paris. Certes, la bienséance voudrait que je garde mes distances et que je reste sur le terrain convenu de l’éloge ou de la critique de la programmation, mais les temps changent, le parole se libère et cet aveu m’autorise à vous parler de mon ressenti, de mon vécu subjectif d’expérience de spectatrice.

Je commencerai par les réservations : pourquoi autant de restrictions, de conditions, de limites, y compris pour les abonnés qui payent leurs places par anticipation (vous en connaissez beaucoup de fournisseurs de services qui font payer leurs clients cash des mois avant la prestation ?) Pourquoi le service Échange des Billets réservé aux abonnés n’est-il ouvert que 3 heures dans le journée, et encore pas tous les jours ? Pourquoi les informations relatives aux perturbations -comme à la SNCF… – sont-elles communiquées par SMS deux heures seulement avant le début de la représentation, rendant impossible l’option du Plan B (j’en parle parce que ne me suis pas encore remise de l’incident de la semaine dernière) Le simple fait que vous n’ayez pas de Responsable des Publics mais seulement un Service dédié en dit long sur la place que vous nous octroyez… La preuve, jamais on ne m’a demandé si j’étais satisfaite.

Enfin, un mot sur ce qui me fâche le plus : les toilettes. Comme le disait un jour une dame envisonnée croisée dans cet endroit : « Quand même, des toilettes comme ça, pour un opéra c’est honteux ! » On dit souvent qu’on juge un établissement – restaurant, hôtel – sur la qualité de ses toilettes, concernant l’Opéra, c’est vite vu :

Bastille coté jardin
Bastille coté cour
Bastille coté cour 2

 

 

 

 

 

Garnier coté jardin
Garnier coté cour

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

D’accord, on ne va pas à l’Opéra juste pour faire pipi, mais c’est important de se sentir à l’aise pour apprécier un spectacle. L’expérience se juge dans sa totalité, c’est un ensemble, depuis la recherche d’information sur internet jusqu’à la sortie de l’établissement. Ca ne va que si tout va bien, en d’autres termes, un détail qui cloche et c’est de lui dont on se souviendra le plus, dont on parlera. Cela va à l’encontre du principe de congruence, le coté « sans couture » des expériences mémorables.

… Voilà Monsieur le Directeur ce que j’avais à vous dire. Le monde change, il évolue plus vite que les Institutions. Il rapproche les gens des organisations, les rend plus acteurs de leur propre expérience. Certains acteurs du spectacle vivant comme le Cirque du Soleil ont compris ces évolutions depuis longtemps, d’autres plus traditionnels comme les musées, plus récemment mais la (rév)évolution est en marche et les transformations qu’elle impose sont irréversibles. Si vous aimez votre public comme votre public vous aime, donnez à l’Opéra les moyens de s’en rapprocher, de mieux répondre à ses besoins et de lui offrir des expériences VRAIMENT inoubliables.

Laurence

 

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3 commentaire “Le diable est dans le détail”

  1. Merci Laurence pour ce billet et ses terribles illustrations. Hélas, j’ai bien peur que les dirigeants des établissements culturels de ce genre n’aient qu’une très faible orientation client. C’est un scandale, une honte ! J’avais moi-même écrit une lettre il y a 7 mois à la directrice du Théâtre de l’atelier restée à ce jour sans réponse. http://sensduclient.blogspot.com/2010/10/loeil-du-sens-du-client-2.html
    Je lui chanterais bien la sérénade de Méphistophélès dans l’acte IV du Faust de Gounod «Vous qui faites l’endormie». A moins qu’elle ne soit aux toilettes du palais Garnier avec le Directeur auquel tu as écrit, entonnant l’air des bijoux de l’acte III «Ah! Je ris de me voir si belle en ce miroir».

    1. Je vois que nous faisons le même constat ! Et je pourrais multiplier les exemples … Ce qui m’étonne le plus, c’est l’inertie des gens, comme s’il était inconvenant de se plaindre … le prix à payer pour appartenir à une élite et avoir le droit d’être maltraité. Il y a en France une espère d’arrogance de la part des établissements culturels, un sentiment d’impunité qui les exonère de toute tentative de considération et de respect. Ce qui n’est pas le cas en Angleterre où le Royal Opera House met en oeuvre des tas d’animations parallèlement à la programmation pour impliquer tous les publics et modifier l’image élitiste du genre.

  2. Bravo, excellent article
    Je serais bien curieux de voir la teneur de la réponse, si réponse il y a.
    Au delà de l’Opéra, il serait effectivement temps que le service public découvre ce que veut dire le mot client.
    Par exemple, à la RATP, ce serait peut être pas mal aussi de communiquer en interne sur le fait que « Usager qui paie son billet » veut dire client.
    Et pouquoi pas, (rêvons un peu) que « contribuable » ou « administré » soit aussi synonyme de client. Il m’est arrivé recemment une expérience amusante avec une « Mairie Débordée » ( http://nicolascaron.fr/2011/04/21/deborde/ ) qui me laisse penser que là aussi, on est encore un peu loin du but…

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