Lean vs pensée design : le choc des cultures
Quand j’ai démarré dans le monde de l’expérience client, je savais que je devais renoncer à ma culture marketing et que j’apprendrais en faisant mais j’avais une conviction : l’humain serait le pivot de ma démarche, il serait central quelle que soit la forme que prendrait mon activité. Venant de l’innovation sensorielle – qui consacre le primat de la perception sur la réalité, je me suis dit alors que la marche ne serait pas si haute… 5 ans plus tard et avec le recul que me permettent les projets que j’ai conduits avec mes clients, cette conviction est plus que jamais présente. Avec un bémol cependant : j’ai pris conscience au fur et à mesure que j’avançais, que cet état d’esprit était loin d’être partagé, que la dimension humaine de l’expérience client n’était pas si évidente pour la plupart des entreprises engagées sur ce chemin et que son absence était un frein à son développement. C’est un fait, on parle plus souvent des clients que des hommes qui se cachent derrière : l’orientation client si souvent revendiquée pour mettre en avant une posture de service a pour effet de perpétuer une vision centrée sur les processus et tournée vers l’interne. Et ça n’est pas parce qu’on crée une direction expérience client qu’on fait de l’expérience client ! Rien ne change vraiment dans les organisations qui restent très silotées : le marketing continue de mettre en place les programmes de CRM et d’en mesurer la performance court terme, la relation client conçoit des process destinés à améliorer la satisfaction et pilote les KPI’s, les RH déploient des formations pour impliquer les collaborateurs dans des programmes d’excellence opérationnelle et de proximité relationnelle… Quant aux Directions de l’expérience client, leur role se limite souvent à structurer la voix du client et à cartographier les parcours pour identifier les irritants et opportunités qui nourriront les road maps projets. En réalité, la plupart des entreprises de la vieille économie sont surtout centrées sur elles-mêmes et le ROI de leurs actions, et si certaines sont plus orientées clients que d’autres, elles échouent à prendre en compte la personne qui se cache derrière leurs clients.
Alors quel est le problème ? On ne peut pas connaitre ce que l’on ignore : je sais, cette phrase peut paraitre stupide mais en ignorant le postulat de départ et les pratiques qu’il sous tend, on ne peut pas changer et transformer l’organisation en conscience. Et le changement passe par la prise en compte authentique et sincère des besoins non exprimés, de ce que les clients utilisateurs ne font pas et de ce qu’ils taisent, en un mot par l’observation des usages au sein de l’écosystème global des acteurs en lien avec eux.
Or, pour se développer, les entreprises ont industrialisé leurs services, puis les ont digitalisé en ayant toujours en tete d’intégrer les changements dans leur business modèle ce qui a favorisé les pratiques d’amélioration continue, d’innovation incrémentale, plus facilement copiables par la concurrence mais moins risquées que l’innovation de rupture. Ce qui a eu pour vertu de ne pas remettre en cause le statu quo, très rassurant pour les actionnaires dans le contexte actuel et qui s’est traduit par une banalisation croissante des offres et une dégradation de la valeur pour le client et pour l’entreprise.
S’il n’existe pas de solution miracle, de designer de génie pour concevoir l’expérience incroyable qui va révolutionner les usages et modifier les comportements, il existe en revanche une nouvelle manière d’aborder les choses plus spontanée, plus ouverte à l’expérimentation et aux opportunités qui permet de réconcilier les impératifs business de rentabilité et de prévisibilité avec la créativité. La pensée design appliquée comme une discipline, doit permettre d’aller plus loin que les pratiques d’amélioration continue et de mettre en oeuvre des stratégies expérience client qui soutiennent les chantiers de transformation.
Si le lean (ou amélioration continue) et le design thinking ont en commun une approche collaborative – et pour le lean startup la prise en compte du client utilisateur – elles présentent beaucoup de différences. Cela ferait un grand changement pour la diffusion de la culture expérience client et le succès des projets si le design thinking et ses pratiques étaient mieux connus.
Voici en bref les principales différences entre les deux approches – et si j’osais – philosophies.
Lean |
Pensée design |
Centré sur l’amelioration continue | Centrée sur l’innovation |
Orienté produit | Orientée service/système/expérience |
Segmenter/cibler | Intégrer/inclure |
La data pour connaitre | L’empathie pour comprendre |
La routine | La sérendipité |
Continu et linéaire | Projets limités dans le temps |
Valeur fonctionnelle | Valeur émotionnelle |
Specialisation et division | Demarche holistique : l’écosystème |
Réduire les variations | Rechercher les variations |
La valeur est créée par l’organisation | La valeur est perçue par l’usager |
Et pour en savoir plus, voici une vidéo où Eric Ries et Tim Brown expliquent les deux approches
Si vous souhaitez vous initier à la pensée design, c’est ici !
A bientôt,
Laurence
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