Let’s get physical ! Manifeste pour des experiences sensorielles 1/6

Avec le télétravail, la distanciation physique, la digitalisation des activités – shopping, loisirs, apprentissage,…- notre vie au temps du coronavirus a perdu beaucoup de saveur. En nous privant d’une partie de nos sens, les expériences que nous vivons à distance nous privent aussi d’émotions essentielles à notre équilibre comme l’intérêt, la joie, l’euphorie, l’émerveillement, l’enchantement, la volupté, la surprise, l’anticipation, la sérénité,,… Dans un précédent poste, je pilotais des projets d’innovation sensorielle et je sais ce que les expériences doivent aux sensations pour être mémorables… presque tout.

Voici une série qui fait le tour des fondements et des principes attachés aux expériences sensorielles et qui est inspirée du livre que j’ai co écrit avec Agnès Giboreau en 2012, Marketing Sensoriel :

  1. manifeste pour des expériences sensorielles
  2. la dimension sonore des expériences physiques
  3. la dimension olfactive des expériences physiques
  4. la dimension esthétique des expériences physiques
  5. la dimension tactile des expériences physiques
  6. la dimension gustative des expériences physiques

C’est parti !

Délibérément ou non, les entreprises émettent une multitude de signaux, qui, perçus par les sens, fournissent à l’utilisateur des informations lui permettant de se faire une impression et de juger la situation à un  niveau très intime. Du fait de l’importance accrue accordée au vécu -à l’expérience-, l’objectif du design va être de créer des signaux positifs – et d’éliminer les signaux négatifs – qui vont favoriser l’anticipation de plaisir associé à la consommation du service tout en fournissant au client des gratifications sensorielles immédiates. Les expériences ainsi conçues et mises en scène dans des lieux sensoriellement attractifs en affinité avec le style de vie du client et les valeurs de marque sont plus susceptibles de créer l’enchantement (l’effet WOW !) et donc la mémorisation.

S’il est vrai que l’expérience physique intègre d’autres dimensions que la dimension sensorielle –affective, cognitive, comportementale, sociale et servicielle– nous pensons que celle-ci est la plus à même de délivrer des expériences mémorables de nature à être recherchées par la suite : « les services se transforment en des expériences engageantes quand ils sont combinés avec des aspects sensoriels » (Pine & Gilmore 2011). Le design sensoriel des expériences livrées aux clients intègre des sensations et perceptions de l’environnement physique et social

Alors que dans le cas des biens tangibles, les avantages perçus par les consommateurs proviennent surtout de leurs propriétés physiques et de leurs caractéristiques fonctionnelles, dans le cas des expériences ils ont pour origine une multitude de signaux émanant des services eux mêmes mais aussi du personnel en contact, de l’environnement où le service est consommé, voire des clients impliqués dans sa production. C’est pourquoi il est nécessaire de distinguer ces différents niveaux (produits tangibles, service, environnement, personnel) dans la conception de l’expérience et la mise en œuvre d’une stratégie de design sensoriel et d’organiser la congruence des signaux perceptifs entre ces niveaux et entre les différents points de contact du parcours client.

Le service étant par nature intangible, c’est son environnement qui par son caractère physique va le plus renseigner sur ses dimensions et son positionnement : c’est un support de sensorialité et contributeur majeur d’une expérience mémorable.

Dans l’économie d’expérience, les entreprises vendent plus que des produits ou des services, elles vendent des souvenirs : que dire d’une expérience fade et sans relief qui se déroulerait dans un lieu triste et sans chaleur, malodorant et inconfortable ? Même si la relation client est exceptionnelle et le service d’excellente qualité, on retiendrait surtout les aspects négatifs de l’expérience et il est probable que l’on ne reviendrait pas.

Dans son modèle de Serviscape, Bitner (1992) définit l’environnement de service comme : « un ensemble complexe de différents attributs comme la distribution et la fonctionnalité des présentoirs, l’aménagement de l’espace de vente, les signes, les symboles, ainsi que des éléments de l’ambiance du magasin comme la température, la lumière, la musique et les odeurs qui affectent les sens des individus ».

Ainsi la taille du lieu, l’aménagement intérieur, le style vestimentaire du personnel en contact, les odeurs, les couleurs, la lumière… sont autant de signaux qui informent le consommateur sur le positionnement du service et permettent sa catégorisation – haut ou bas de gamme, spécialisée ou généraliste, standard ou unique… – mais aussi contribuent à élever son niveau d’implication vis-à-vis du service. Dans un fast food, le niveau de bruit ambiant, l’inconfort des sièges, les odeurs de frites, l’intensité lumineuse, l’impression de foule et de vitesse forment des signaux qui renseignent sur la nature de l’activité et nous disent qu’ici on mange rapidement pour une somme modique.  En tant que partie intégrante de l’expérience client et matérialisation de celle-ci, l’environnement physique a une très grande capacité à influencer les comportements et à rajouter de l’implication dans des secteurs à forte valeur d’image comme le luxe, l’hôtellerie, la restauration, les banques. Les services de faible implication comme l’assurance, les utilités..ne sont pas en reste puisque c’est l’environnement physique qui contribue à les débanaliser et leur apporter un supplément d’âme.

Le client en quête d’informations et de sensations, va rechercher de manière plus ou moins consciente les signaux qui vont le renseigner sur la nature et l’image du service bien avant de consommer celui-ci : du fait de son caractère tangible, le lieu physique est l’endroit où les indices perceptifs sont les plus actionnables

En 1974 déjà, Kotler s’intéressait à l’atmosphère –ambiance perçue par les sens-comme outil marketing au même titre que le produit ou le prix. Pour lui, « l’atmosphère correspond à l’effort engagé pour concevoir des environnements d’achats destinés à produire chez le consommateur des effets émotionnels spécifiques qui augmentent alors sa probabilité d’achat » Avec Bitner le concept s’élargit laissant apparaitre la nature complexe et dynamique de l’atmosphère qui comprend non seulement l’environnement physique mais aussi l’ambiance créée par la présence des autres individus (clients, personnel).

Dans un contexte expérientiel, en étant plus vécue que perçue, l’atmosphère permet au client de se reconnaitre et de s’investir dans l’environnement de service qui devient alors un espace chargé d’émotions, un lieu de vie, de convivialité. L’endroit est recherché car il procure du bien être , et peut être une forme de plaisir, et sera plus tard la matrice où les souvenirs prendront corps et dont la simple évocation fera rejaillir de multiples sensations.

De nature holistique, l’expérience sensorielle dans un environnement de service est vécue dans sa totalité : même s’ils ne sont pas consciemment perçus, l’ensemble des détails qui la constituent ont un effet sur les clients visiteurs, ses perceptions, ses attitudes et ses comportements, et si un sens est plus concerné qu’un autre, ils contribuent tous ensemble à l’expérience.

Source : « Marketing Sensoriel » L. Body & A.Giboreau Ed Vuibert 2012

Prochain article  : la dimension sonore des expériences

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