L’expérience visiteur pour aller au delà des normes et des systèmes de qualité 4/8

Avec le retour en force des touristes et la présence de nombreuses situations de surchauffe dues au manque de saisonniers, on peut légitimement se poser la question de la qualité de service : est-elle au rendez vous de cette saison 2022 ? Quel souvenir les visiteurs garderont ils de leurs vacances en France ? L’accueil qui est le premier levier de satisfaction dans le tourisme va-t-il être impacté ? Les prix plus élevés sont ils justifiés par une expérience au même niveau ?

Autrement dit, quand l’attente au téléphone, au restaurant, les mises à disposition tardives, les dysfonctionnements, le non respect des promesses, des contrats, les annulations… jalonnent les parcours visiteurs , cela a-t-il un impact sur la satisfaction générale ? sur la revisite ? sur la prescription ? Dans le contexte actuel de dégradation des services- dans l’hotellerie, la restauration, les transports…- associé à une hausse des tarifs,  les labels et les systèmes de qualité de type Qualité tourisme sont ils toujours utiles pour guider les clients dans leurs choix si les référentiels ne sont pas appliqués, les engagements pas respectés ? Et alors que la pénurie de personnel est massive, peut on légitimement demander aux professionnels d’être en conformité avec des règles conçues dans le monde d’avant, un monde où la main d’oeuvre était abondante, les salaires bas et les horaires destructurés généralement acceptés ? La réponse à ces 2 questions est « non » évidement. Dans le tourisme plus qu’ailleurs, de toutes les dimensions – sociales, techniques, fonctionnelles… et plus récemment symboliques avec la dimension du sens- en un mot rationnelles – attachées à l’expérience, c’est la dimension émotionnelle qui est la plus source de satisfaction.

 

L’experientiel pour satisfaire ses clients et collaborateurs et se différencier de ses concurrents

Dans un monde parfait, où la qualité permet de livrer le service et le confort attendus par le visiteur, les critères d’évaluation en vue de l’obtention d’un label renvoient à la capacité du professionnel a être performant en plus de maitriser son métier : rapidité de décrochage au téléphone, de traitement d’une demande à la réservation, à la commande, niveau de précision des réponses, propreté des tenues, du site, disponibilité du personnel …. Dans la dernière version du document d’évaluation Qualité tourisme pour un restaurant, ce sont plus de 300 critères qui sont passés au crible pour obtenir le précieux label. En la parcourant, je doute que les restaurants déjà labellisés soient aujourd’hui en mesure de le conserver. Sans compter que la simple conformité à un référentiel de qualité ne garantit pas que le client sera réellement satisfait.

Alors on fait comment ? On fait comment pour progresser, pour se différencier et attirer des talents et des clients qui ont besoin de repères pour évaluer l’offre et fixer un niveau d’attentes raisonnable compte tenu du prix proposé et des promesses de marque ?

L’approche expérientielle est la seule réponse possible quand l’amélioration continue des critères de qualité fonctionnelle n’est que partiellement possible ou inatteignable, quand elle n’est pas prédictive d’un niveau minimum de satisfaction, quand les prix -en hausse de 20% cette année- nécessitent de livrer la promesse de marque coute que coute, quand la situation impose de bien connaître les besoins des clients et de les satisfaire… Parce qu’elle se concentre sur l’humain – client et collaborateur-  l’approche expérientielle fait le pari de l’émotionnel pour concevoir des services porteurs de sens et créateurs de souvenirs  qui ont un impact positif dans la vie des gens.

Se différencier par l’expérience visiteur permet de cibler les critères de qualité qui sont VRAIMENT importants pour les clients cibles -et de renoncer à ceux qui ne sont pas pertinents à leurs yeux – elle permet de résoudre des problèmes de manière collaborative, en se concentrant sur les situations à plus forts enjeux pour les clients et les collaborateurs, elle permet de traiter les irritants de manière plus personnalisée en laissant au collaborateur la marge de manœuvre nécessaire pour imaginer la réponse…Dans un secteur fait de rituels -service à la Française- et de processus – la prise de commande et la prise en charge en cuisines d’un repas au restaurant-, cette approche libère la créativité et réengage les collaborateurs dans des pratiques qui renouvellent leur motivation à exercer le métier tout en les rapprochant des clients.

Pour rappel –désolée pour ceux qui connaissent cela par cœur – voici quelques principes qui établissent la supériorité de l’expérience sur les normes et les systèmes de qualité pour innover et se différencier :

-l’approche expérientielle génère des réponses sensibles : si le plus souvent on peut dire pourquoi on est mécontent (dimension rationnelle qui porte sur une caractéristique fonctionnelle ou tangible du service) , c’est plus difficile de dire pourquoi on est enchanté (évaluation émotionnelle qui porte sur des signaux perçus consciemment ET inconsciemment) ;

-la situation d’usage -le repas au restaurant quand il manque des serveurs- et la réponse à un besoin – souplesse sur l’heure d’arrivée quand le client vient de loin- sont des critères bien plus pertinents que les caractéristiques fonctionnelles pour anticiper l’appréciation d’un service : réparer un process ne garantit pas la satisfaction si on ne le remet pas dans le contexte du client ;

-l’expérience est avant tout perceptuelle et unique, seul le client peut dire s’il est enchanté ou pas, c’est injuste mais c’est comme ca ;

-certains services correspondent à un dû : leur absence ou leurs imperfections génèrent de l’insatisfaction, les ajouter ou les réparer ne rend pas le client plus heureux pour autant, cf. le modèle de Kano. La présence de Wifi est un excellent exemple d’un service indispensable pour lequel la présence est non négociable mais sans effet sur la satisfaction ;

-ce n’est pas l’excellence opérationnelle –la très grande qualité de service- qui génère de l’enchantement –la très grande satisfaction– mais l’expérience : ce qui est parfait de votre point de vue ne l’est pas forcément pour le client. Les expériences mémorables sources de prescription sont souvent imparfaites.

 

Quelques principes pour concevoir des expériences qui vont au delà de la qualité de service

-partir du client et de son ressenti : tous les signaux sont importants, y compris ceux qui ne portent pas sur l’offre et son usage (l’image de marque, la communication, la politique d’annulation, la politique RSE, …) ;

-resituer l’expérience dans un parcours avant-pendant-après –permet de l’ancrer dans la vraie vie des gens et de le contextualiser (les personas) ;

-la perception EST la réalité : ce que le client perçoit est plus important que ce que vous pensez qu’il croit, d’où l’importance de construire l’expérience depuis son vécu ;

-le diable est plus souvent dans le détail que le Bon Dieu : ignorer cela c’est croire que les clients retiendront davantage les aspects positifs de l’expérience que les autres. En fait c’est l’inverse qui se produit ;

-l’ensemble des interactions physiques et sociales vécues par les clients et les détails qu’ils perçoivent– quelle que soit leur importance – va plus ou moins influencer leur jugement avant, pendant et parfois longtemps après avoir vécu l’expérience : c’est la raison pour laquelle celle-ci doit être conçue des le départ comme un continuum, un processus dynamique et fluide dont l’objectif final est d’atteindre voire de dépasser les attentes fonctionnelles ET émotionnelles ;

-ne pas oublier que si on veut remettre des émotions dans l’expérience, il faut prendre en compte l’Homme dans sa globalité : son cœur, son intelligence, ses tripes et aussi son âme, ses valeurs (au lieu de ne voir dans le client qu’un potentiel de nuitées, de ventes additionnelles…)

En résumé,  l’expérience est d’avantage source d’amélioration et de différenciation que les labels et les normes car elle oblige à s’intéresser à la qualité du service sur la base de critères identifiés préalablement et destinés à satisfaire des besoins clients. Mais elle va plus loin, beaucoup plus loin. Elle dispose d’une composante  subjective qui ne peut pas être prise en compte si on n’a pas pris de la hauteur et intégré sa dimension holistique, celle qui permet aux gens de faire un lien avec leur quotidien, leurs valeurs, le sens qu’ils donnent à leurs vacances, à leur vie…

A l’heure où la France confirme son statut de 1ere destination touristique et où le Plan Destination France  trouve toute sa justification au regard de l’ambition d’amélioration de la qualité et de l’accueil des visiteurs, il est clair que la centricité client et l’approche expérientielle seront des leviers stratégiques majeurs d’accompagnement des acteurs de la filière dans leur efforts de formation pour une meilleure prise en compte des besoins et une plus grande valorisation des offres et des ressources.

Bienvenue dans un monde d’expériences (bis ) !

Cet article est le 4ème de la série consacrée à l’expérientiel dans le tourisme. Il ouvre le sujet de la formation et de l’expérience que les acteurs devront proposer à leurs collaborateurs. Cet article sera proposé par Brice Duthion, Manager de la filière tourisme et hospitalité au Campus sud des Métiers.

1. L’expérientiel, la nouvelle frontière du tourisme https://blog.experience-client.com/lexperientiel-la-nouvelle-frontiere-du-tourisme/

2. Plus d’expériences et de sens, moins de prix : les nouveaux besoins des voyageurs https://blog.experience-client.com/plus-dexperiences-et-de-sens-moins-de-prix-les-nouveaux-besoins-des-voyageurs-2-8/

3. Expériences et ecosystèmes de valeurs : le rôle des communautés pour redéfinir les destinations https://blog.experience-client.com/experiences-et-ecosystemes-de-valeurs-le-role-des-communautes-pour-redefinir-les-destinations-3-8/

4. L’expérience voyageur pour aller au delà des labels et des systèmes de qualité

5. L’expérience collaborateur, l’autre secret pour engager et fidéliser ses équipes en collaboration avec Brice Duthion

6. Scénariser et chorégraphier des expériences durables, désirables et mémorables

7. Les outils du design d’expérience touristique : blueprints, storyboards, playbooks, living labs, ecosystèmes d’acteurs…

8. Tour du monde des meilleures expériences et territoires expérientiels

Le tourisme ne prend pas de vacances : stay tuned !

Val Thorens, les Ménuires, le Finistère, la Normandie, l’Ile de la Réunion, l’appellation Cognac….chez X+M, nous avons accompagné des destinations de premier plan dans la création de plateformes, la conception d’expériences visiteurs qui font la différence l’animation d’ateliers de formation et de sensibilisation au design d’expérience.  Vous voulez la liste des projets que nous avons conduits ? Contactez moi

Vous souhaitez organiser une conférence sur cette thématique, contactez moi aussi, nous concevrons ensemble celle qui vous convient le mieux

laurence@xplusm.fr

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