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L’expérientiel, la nouvelle frontière du tourisme 1/8

Cet été encore, le tourisme ne devrait pas prendre de vacances : le besoin d’évasion et la soif d’expériences vont l’emporter sur la morosité ambiante et stimuler les départs pour des destinations proches et moins proches. La sémantique a aussi son importance : on parle moins de touristes que de voyageurs ou de visiteurs, évolution qui marque la transition vers des pratiques plus qualitatives qui favorisent la lenteur et les rencontres physiques.

En 2014 j’abordais déjà le sujet du design de service dans la revue Espace et Tourisme, à l’occasion du numéro spécial sur le tourisme expérientiel.
8 ans plus tard, l’approche expérientielle invite plus que jamais les opérateurs touristiques, leurs partenaires et les destinations à renouveler leur démarche d’innovation pour faire face aux nouveaux enjeux du tourisme : eco responsabilité, authenticité, éthique, rejet de la surfréquentation, résilience climatique…
Ils doivent centrer leurs efforts non plus sur  la commercialisation de services ou d’activités, mais sur la création d’expériences qui s’alignent avec la quête de sens et le besoin des visiteurs de se retrouver dans des lieux qui résonnent avec leurs valeurs.
C’est pour adresser les enjeux induits par le paradigme expérientiel- prise en compte des usages, du sens, des émotions, centricité sur l’humain – que la pensée design appliquée aux services et aux expériences est préférée à l’approche marketing centrée sur l’offre pour concevoir des expériences touristiques mémorables, distinctives et respectueuses des écosystèmes.

LE DESIGN DE SERVICE BOITE A OUTILS DU TOURISME EXPERIENTIEL

Il y a 8 ans, la définition que Wikipedia donnait du design de service consistait à “s’assurer que l’interface du service est utile, utilisable et désirable du point de vue du client et efficace, performante, et ‘différenciante’ du point de vue du fournisseur” .

Aujourd’hui, pour satisfaire les besoins des visiteurs, il existe une multitude de services toujours plus diversifiés et sophistiqués : du check-in de son vol à partir de son mobile, en passant par les offres d’intermodalité proposées par les territoires, les voyages sont jalonnés de services destinés à simplifier les parcours des visiteurs.
Mais les expériences en elles-mêmes, celles qu’ils vivent à l’occasion d’une nuit dans un hôtel, d’un spectacle, d’une activité ou de la visite d’un musée, alors qu’elles sont censées enchanter leur séjour, sont parfois jugées peu satisfaisantes et sources de frustration et d’agacement. Il arrive même qu’elles viennent ternir des vacances préparées avec soin et rêvées de longue date.
Pour adresser cette nécessité de fluidité et de cohérence à l’intérieur du parcours visiteur, le périmètre de conception s’est élargi pour dépasser les interfaces et intégrer l’écosystème dans son entier : sociétés de transports, hoteliers, restaurateurs, OGD,  gestionnaires de sites, prestataires…Dans cette nouvelle configuration où tout le monde doit jouer la partition au service du client, l’efficacité est non négociable,  tout comme la performance, ce sont des prérequis de base. Appliquée au niveau d’une destination, l’approche design permet de livrer des expériences distinctives qui tirent l’ensemble des acteurs qui la composent vers le haut.
Le design de services en plus d’être centré sur l’humain/utilisateur favorise la créativité et l’innovation de façon itérative et à l’échelle du périmètre concerné : recherche et analyse des informations, définition des problèmes à résoudre, imagination d’idées, sélection et test de solutions au niveau du point de contact, de l’organisation, du parcours et du territoire. C’est une approche plastique qui permet de zoomer et de dé-zoomer à volonté.

LA DIMENSION ÉMOTIONNELLE DES EXPERIENCES.

Qu’ils soient ordinaires ou attachés à une situation particulière (comme les vacances), services et expériences ont en commun le fait d’être vécus par des individus : leur caractère perceptuel , donc personnel et subjectif, est à l’origine des émotions qu’ils suscitent.
Trop souvent, le service est envisagé uniquement du point de vue de sa qualité et de sa productivité : respect des horaires, conformité à un cahier des charges, à un référentiel, à une charte d’engagements… Pourtant, et c’est encore plus vrai pour le tourisme, de toutes les dimensions attachées à l’expérience, c’est la dimension émotionnelle qui est la plus source de satisfaction. Ignorer cela, c’est méconnaître la capacité du tourisme à réenchanter la vie, et c’est risquer de passer à côté d’un potentiel énorme.
L’ensemble des interactions physiques et sociales que vit chaque individu, et des détails qu’il perçoit (quelle que soit leur importance) influence (plus ou moins) son jugement avant, pendant et parfois longtemps après qu’il ait vécu une expérience. C’est pourquoi celle-ci doit être conçue dès le départ comme un continuum, un processus dynamique et fluide dont l’objectif final est d’atteindre, voire de dépasser, les attentes fonctionnelles et émotionnelles. Le design de services vise à fluidifier les parcours, à faciliter la coopération entre les acteurs de la chaine de service et à réenchanter les expériences dans le but de marquer les cœurs et les esprits.

LA DIMENSION HOLISTIQUE DES EXPERIENCES

Avant de parler des méthodes et des outils, le design de services est avant tout un processus collaboratif d’étude, de conception de moments et de mise en oeuvre d’interactions entre un territoire, un opérateur et des visiteurs. Il consiste à définir quand, où et de quelle manière l’organisation peut créer plus de valeur pour ses clients et pour elle-même.
C’ est aussi une démarche holistique qui comprend l’état des lieux de la situation du point de vue des clients, l’analyse des besoins, de la concurrence et la stratégie de marque ; il apporte une dimension transversale là ou les différents services de l’organisation conçoivent souvent les différentes étapes en silos (réservation, annulation, règlement..) et moments de services vécus par le client (départ, repas, sports, activités…).

LA DIMENSION SYMBOLIQUE DES EXPERIENCES.

Avec la crise du Covid, les expériences touristiques se sont enrichies d’une dimension supplémentaire : celle du sens. Parce que les loisirs et les vacances sont porteurs d’une charge symbolique forte, ils doivent d’autant plus répondre aux exigences des visiteurs en matière de durabilité. Le tourisme durable est défini comme devant être « supportable à long terme sur le plan écologique, …/… et équitable sur le plan éthique et social pour les populations locales ».
Alors que la dimension fonctionnelle des services faisait partie des critères de choix avant la crise, elle fait maintenant partie des critères de base.

« Nous vivons un moment-charnière où à la fois la volonté des destinations et les attentes des visiteurs se transforment en fonction d’une éthique fondée sur une recherche de sens. Cela ouvre bien des champs à l’imagination pour définir un « nouveau tourisme » qui changera sans doute de nom pour échapper aux connotations si peu valorisantes associées aux « touristes » Paul Fabing, Attractivité Alsace

LA DIMENSION EMPATHIQUE DES EXPERIENCES

Les outils du design de services ont ceci d’intéressant qu’ils sont très différents des outils classiques du marketing, car ils s’intéressent davantage aux processus qui aboutissent aux choix qu’à la création d’offres qui satisfont les besoins. Mettre l’individu au coeur de la démarche de création de l’expérience nécessite une compréhension réelle de celui-ci, compréhension qui va au-delà des statistiques et de l’analyse empirique de ses besoins.
Dans l’approche marketing classique, attentes du client et performances du service sont limitées à leur dimension fonctionnelle –durée moyenne de séjour, sommes dépensées, présence d’enfants, de seniors… Mais la satisfaction, la vraie, celle qui fidélise et provoque du bouche-à-oreille positif prend naissance dans les dimensions expérientielles du service.

La clé d’une démarche expérientielle réussie réside dans la capacité à replacer l’expérience individuelle dans un contexte plus large, celui du lieu d’achat ou de consommation, de la situation, du personnel en contact, grâce à quoi il devient possible de visualiser l’expérience du client dans ce qu’elle a de personnel et d’holistique. Cela nécessite d’adopter une posture d’empathie pour considérer la problématique du visiteur depuis son point de vue à lui, et non pas du point de vue des contraintes et des limites de l’organisation.

Cet article est le premier d’une série consacrée à l’économie d’expérience dans le tourisme qui va animer votre été et changer votre regard sur la conception d’expériences bonnes pour les visiteurs, les collaborateurs, le territoire… et la planète !

1. L’expérientiel, la nouvelle frontière du tourisme

2. Plus d’expériences et de sens, moins de prix : les nouveaux besoins des voyageurs

3. Expériences et ecosystèmes de valeurs : le rôle des communautés pour redéfinir les destinations

4. L’expérience voyageur pour aller au delà des labels et des systèmes de qualité

5. L’expérience collaborateur, l’autre secret pour engager et fidéliser ses équipes
en collaboration avec Brice Duthion

6. Scénariser et chorégraphier des expériences durables, désirables et mémorables

7. Les outils du design d’expérience touristique : blueprints, storyboards, playbooks, living labs, ecosystèmes d’acteurs…

8. Tour du monde des meilleures expériences et territoires expérientiels

Le tourisme ne prend pas de vacances : stay tuned !

Chez X+M, nous avons accompagné des destinations de premier plan ans la conception d’expériences visiteurs qui font la différence. Vous voulez la liste des projets que nous avons conduits ? Contactez moi

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